Dés qu’elle est sortie du ventre de sa mère les yeux dans les coins, sa mère s’est écrié :
« Waouh ! Quel étrange petit bébé ».

Dés qu’elle est allée à l’école, vêtue de sa cape jaune canari et d’une queue de lapin, qu’elle traitait comme son chien, les autres enfants et la maîtresse se sont dit : «Waouh ! Quelle étrange petite fille ».

Dès qu’elle est entrée dans la vie professionnelle en exerçant différents métiers de serveuse, éducatrice, animatrice, attachée de presse…, ses collègues se disaient « Waouh! Quelle étrange jeune femme qui craque sa jupe en plein service, se déguise en oiseau pour consoler les enfants tristes, colle les étiquettes à l’envers… ».

Un jour cette pensée se glisse dans son singulier cerveau :
« Si je suis si bizarre, il me faut un métier bizarre ».
Encouragée par la phrase d’un professeur : « Ah toi! Tu ne fais pas semblant, tu es vraiment à côté de la plaque », elle enchaîne les cours de théâtre, de clown, d’improvisation et de commedia dell’arte et ces mots prennent la couleur d’une fleur aux pétales dorées.

Après avoir intégré la troupe de conteurs les baladons, elle décide qu’inventer et raconter des histoires sera son métier.

Mais pas n’importe quelles histoires, celles inspirées de ses origines juives, dont on ne comprend pas forcément le sens, qui ont goût pour l’absurde et la fantaisie.

Depuis lors, elle marche sur le chemin de l’imaginaire. Aujourd’hui elle incarne et rend vivant son monde étrange dans son corps et ses créations.

Pour moi, être artiste c’est donner à voir ma fragilité à être au monde.
En esquissant des personnages émotifs, fougueux, empotés, tous assoiffés de rêves, je dévoile une partie de mon être que j’ai cachée pendant longtemps pour être acceptée par mes pairs.

En faisant de la différence «  thème noyau  » de mon travail, je me sens comme missionnée d’une tâche :
Aborder et décrier la peur de l’étrangeté telle qu’elle soit et le rejet de l’autre dans sa dissimilitude…

Pour moi être artiste, c’est aussi m’autoriser à contrer les codes, les règles en exprimant au monde, par ma gestuelle et mes mots décalés, mon envie de vivre dans une société plus libre dans son expressivité, plus « folle » et plus joyeuse

Pour moi être artiste, c’est aussi laisser la part à l’impromptu, notamment dans mes formes déambulatoires pour donner toute sa place à l’instant présent et interagir ainsi au mieux avec le public.

Pour moi être artiste, c’est honorer l’environnement dans lequel nous évoluons notamment la nature en lui donnant la parole et en m’autorisant à tisser des histoires sur mesure selon ce que les gens et les lieux m’inspirent.

Enfin pour moi être artiste, c’est prendre la main du spectateur pour l’emmener avec mes histoires, loin de son quotidien afin qu’il ait la sensation que ses vêtements se fondent dans du sable, que ses cheveux parsèment les étoiles et que ses orteils de reposent sur des peaux de nuage.